Il y a des personnes dont l’impact sur le sport dépasse le cadre de la performance. Marie Houdré est définitivement de cette catégorie, en ce qui concerne son combat pour l’acceptation du sport féminin, concernant le rugby ou la pratique physique dans sa globalité.

Marie Charlotte Alexandrine Houdré voit le jour en 1883, à Orléans. Au XIXe, l’émancipation féminine n’est pas encore totalement d’actualité. Ses parents lui laissent néanmoins l’opportunité de faire des études, chance qu’elle saisit en s’inscrivant à l’École Primaire Supérieure d’Orléans. Mais suite à la mort de son père, elle arrête pour entrer sur le marché du travail, décrochant un poste d’institutrice en maternelle à 19 ans. Mais Marie Houdré ne s’en contente pas, et, seulement un an après, elle retourne sur les bancs de l’école pour étudier cette fois la médecine. À l’issue de celles-ci, la voilà médecin chef au sein du sanatorium antituberculeux de Ploemeur (Morbihan), puis chef de laboratoire à la faculté de médecine. Marie Houdré dénote véritablement parmi ses semblables, aussi bien par son parcours
académique que ses trois mariages, son engagement auprès des enfants et des populations meurtries au cours de la Première Guerre mondiale, et son attrait pour le sport.
Le sport, Marie Houdré en est une adepte convaincue. Aussi bien pour le plaisir procuré par le jeu que pour les bienfaits de l’activité physique pour les femmes, qui en sont encore beaucoup exclues. C’est par son intérêt pour la santé physique de la femme qu’elle intègre le Fémina Sport, le plus important club omnisports féminin parisien, où les adhérentes peuvent s’essayer à l’athlétisme, au volleyball ou encore au football. Club dont elle prendra
plus tard la direction. Marie Houdré va quant à elle y instaurer une nouvelle discipline : la barette. Il faut savoir que le rugby était alors un sport important en France, mais spécifiquement déconseillé à la gent féminine. La violence des impacts et la dureté du jeu n’étaient alors pas en adéquation avec la vision de la femme comme une personne fragile dont l’objectif est d’être capable de procréer. Passionnée par ce sport, Marie Houdré décide donc, avec l’aide du rugbyman capé à cinq reprises avec le XV de France et capitaine du SCUF André Theuriet, d’adapter les règles du rugby à la pratique féminine, pour en faire ce que l’on pourrait aDe ujourd’hui considérer comme l’ancêtre du rugby à toucher. Dans les années 1920, on voit

alors naître une version du rugby où le match ne dure pas 80 mais 60 minutes. Deux équipes de 12 joueuses (et non de 15) évoluent sur un terrain aux dimensions réduites. On a le droit de plaquer seulement aux hanches, sinon d’arrêter le jeu en apposant la main sur le ballon (la “barette”) en criant “Touché !”, avant que le jeu ne redémarre par une mêlée positionnée en cercle. Ces changements de règles poursuivent le but de faire accepter le sport féminin, aussi bien pour les pratiquantes que pour le public masculin, afin d’aider les femmes à s’épanouir en dehors du cadre du mariage et de la maternité.

Des clubs de barette naissent alors un peu partout en France, de Bordeaux à Lille en passant par Toulouse et Paris. Si bien que des compétitions voient alors le jour. Le premier match en condition réelle de barette est joué au stade Elizabeth, à Paris, en mars 1922, avant que le nombre de confrontations ne se multiplie à la fin des années 1920. Marie Houdré ne s’arrête pas là, et participe à la création de la Fédération des Sociétés Féminines Sportives de France, afin de coordonner toutes ces nouveautés. Une section sportive voit même le jour à Ploemeur. Néanmoins, le manque d’engouement
et le petit nombre de pratiquantes font que la barette est peu à peu délaissée à la fin des années 1930. Un manque de popularité notamment dû à l’opinion publique de l’époque, fermement opposée à la pratique féminine du rugby. La condition physique jugée trop fragile des femmes ne leur permettrait pas d’encaisser les chocs. Une partie de la presse crie au scandale après le premier match officiellement disputé. Même revu et corrigé sous le nom de barette, le rugby reste selon eux un sport trop violent, voyant les femmes le pratiquant comme absolument ridicules. L’élèvement de la voix de quelques représentants politiques suffit à ce que la Fédération Française de Rugby annule un match d’exhibition de barette pourtant programmé en lever de rideau d’une rencontre masculine.
Même Suzanne Lenglen, grande championne de tennis, s’oppose aux matchs de barette, affirmant que
“le rugby pratiqué par la femme n’a rien d’esthétique, et je suis opposée à cette mode nouvelle”.
Malgré toutes ces oppositions, la barette des années 1920, et par procuration Marie Houdré, va permettre la naissance du rugby féminin à partir de la décennie 1960 jusqu’à la version que l’on connaît de ce sport aujourd’hui. L’impacte de Marie Houdré sur la pratique du rugby comme du sport féminin dans sa globalité est incommensurable. D’autant plus qu’en dehors des terrains, son travail de médecin engagée a été récompensé de la médaille d’honneur de bronze de l’Assistance publique. Cumulant les casquettes d’entraineur et de joueuse au sein de Fémina Sport, elle dirigeait également la commission médicale de la Fédération des Sociétés Sportives de France. Avant de prendre la

tête de nombreuses institutions promouvant le sport chez les femmes. Au-delà du rugby, elle a joué un rôle de premier plan dans la promotion et le développement du sport féminin en France, mais c’est bien ce sport en particulier qui lui doit le plus. Si bien qu’en 2019, Marie Houdré devient le premier nom apposé sur le “Mur des Légendes” du rugby français, en compagnie d’Yves du Manoir et de Jean-Pierre Rives. Cette mention symbolique (“001 Marie Houdré”) consacre son action ayant contribué au rayonnement du rugby. Serge Simon, alors vice-président de la FFR au moment de son intronisation, en parle en ces termes : “Elle est peu connue du grand public. Elle incarne parfaitement l’image de toutes ces femmes qui se sont battues dans l’ombre pour essayer de conquérir un petit bout de territoire. Car ce sport, il faut le reconnaître, est un sport d’hommes inventé par les hommes et fait pour les hommes. Il se féminise depuis peu de temps”. Deux stades, à Mérignac et à Saint-Denis, portent aujourd’hui également le nom de Marie Houdré. Ces mentions visent à ce que son importance pour la reconnaissance du sport féminin en France ne soit jamais oubliée.
Distinctions :
Médaille d'honneur de bronze de l'Assistance publique
Nom inscrit au Mur des Légende du rugby français
Pour son importance dans le développement de la pratique féminine dans le rugby, les villes de Mérignac et de Saint-Denis ont donné son nom à un stade.